Depuis maintenant plusieurs mois, le Brésil connait une crise politique et économique qui semble atteindre actuellement son paroxysme. A l’origine de la crise politique, la volonté d’un juge de mettre à jour un important système de corruption au sein de l’entreprise pétrolière étatique Petrobras. Mais ce procès historique a révélé rapidement les liens entre le système de corruption mis en place et la classe politique dirigeante brésilienne, notamment le parti politique du PT, le Parti Travailliste. Or le PT est à la tête de l’Etat brésilien depuis 2003 et la chef d’Etat actuelle, Dilma Rousseff, est maintenant menacée d’une procédure de destitution (impeachment), directement liée à cette affaire de corruption.
L’argent de la corruption aurait notamment servi à financer les différentes campagnes électorales de l’ex-président Lula et de Dilma Rousseff. Selon le sénateur de gauche Delcidio do Amaral, lui-même mis en examen dans le dossier « Dilma a hérité et bénéficié directement de ce système, qui a financé ses campagnes électorales », ajoutant que « Dilma aussi savait tout », et que Mme Rousseff et son prédécesseur « tentaient systématiquement d’entraver le travail de la justice ».
Le scandale Petrobras a donc largement affaiblie la présidente Dilma Rousseff. Son principal allié politique, le PMDB (Parti du mouvement démocratique brésilien) a annoncé il y a quelques jours sa rupture avec le gouvernement et un des ministres de ce parti a déjà posé sa démission. Cette annonce pourrait être suivie par les autres partis politiques de la coalition, et cela alors que les députés seront appelés à voter mi-avril pour valider ou non la procédure de destitution de la présidente actuelle accusée d'avoir maquillé les comptes de la nation pour gagner les élections. Les députés en faveur de Dilma Rousseff pourraient ainsi rapidement se retrouver en minorité au Parlement. En cas de destitution, ce serait son vice-président Michel Temer, à la tête du PMDB qui la remplacerait. En parallèle, l’Ordre brésilien des avocats (OAB) a demandé l’ouverture d’une autre procédure de destitution, cette fois-ci pour obstruction à la justice, manœuvres comptables et accord d’exemptions fiscales à la Fédération internationale de football (FIFA) lors de la Coupe du monde 2014.
Alors que l’étau de la justice se resserre également autour de l’ex-président Lula, Dilma Rousseff lui a proposé un poste ministériel. Pour les opposants au gouvernement, cette nomination était le moyen de mettre l’ex-président à l’abri des poursuites judiciaires. Quoi qu’il en soit, cette nomination a rapidement été annulée par un juge du Tribunal suprême fédéral, qui y a vu une « forme d’obstruction des mesures judiciaires ».
Cette crise politique a de fortes conséquences sur l’économie du pays, entré en récession depuis plus d’un an et dont le taux de chômage ne cesse de progresser. Le gouvernement est en effet paralysé et n’a plus les ressources financières nécessaires pour prendre des mesures de redressement efficaces. Le FMI a de nouveau revu à la baisse le taux de récession, actuellement évalué à -3,5% pour l’année 2016. A ce propos, l’ex-président Lula a déclaré que la lutte contre la corruption pourrait nuire encore plus à l’économie du pays en reconnaissant que : « Ce combat contre la corruption est une nécessité pour le pays », mais en se demandant également « s'il n'est pas possible de combattre la corruption sans fermer des entreprises (...) ni causer de chômage ». Ces propos ont provoqué une véritable controverse. L'affaire a déjà révélé un réseau de pots-de-vin, versés par des groupes de construction à Petrobras et à des politiciens afin de remporter des appels d'offres et plusieurs centaines de personnes ont déjà été condamnées, aussi bien au sein de l’entreprise Petrobras que chez les géants du BTP brésiliens. L’enquête a permis de récupérer 3 milliards de reais, ainsi que des biens et immeubles mais la lutte contre la corruption ne se fait pas sans sacrifice. Selon le cabinet de consultants OG Associados, la lutte contre la corruption coûte ainsi « 3,6 points de pourcentage du PIB » au Brésil, lié à la paralysie des chantiers. Pour M. Oliveira, « le combat contre la corruption est prioritaire, mais ses effets peuvent être atténués », par exemple grâce à « des accords d'indulgence qui permettent de punir les responsables mais sans exclure les groupes des appels d'offres publics ». A l’inverse, certains analystes prônent une politique anti-corruption intransigeante. Pour le président de l'Association des juges fédéraux du Brésil Antonio César Bochenek, « C'est la corruption, accentuée par l'impunité, qui cause de lourds préjudices à l'économie ».
Les manifestations pros et contre le gouvernement actuel se succèdent mobilisant des millions de Brésiliens et divisant le pays comme il ne l’avait jamais été auparavant. Face à cette instabilité, il est difficile de prévoir le futur économique et politique du Brésil, qui doit accueillir dans cinq mois les Jeux Olympiques, à Rio de Janeiro.